EDWIN AMOS-PRINCE

LEWINSTON

ft. tobias sorensen ; groupe ▬ (c) londinium.

Ϟ t'as quel âge, t'es originaire d'où ? t'es né quand ? t'as un compagnon ? dis nous tout! moi, c'est edwin. celui qui a baisé ta soeur, ta mère, ta tante et ta grand-mère. arracheur de petite culotte, briseur d'hymen... arrêtons-là. je suis né y'a environ vingt-trois ans à liverpool; si tu connais, c'est bien, si tu connais pas, pends-toi. j'ai emménagé à londres avec mon père à l'âge de cinq ans, alors la capitale britannique est un peu la mienne, tu vois ? au fond, je m'en branle total, c'est juste que ça fait trop classe de passer pour le mec rempli de sentiments qui passe devant le starbucks du coin en se disant : "tiens, mais j'ai baisé une serveuse dans les toilettes de celui-là ! comme c'est émouvant !" je suis le connard de base, en pire, un stéréotype en chair et en os, tu mouille en me voyant et pleure quand je pars. je ne suis pas la tortue qui s'est renfermée sur elle-même après qu'on ai essayé de l'atteindre, le monstre au grand coeur, c'est des légendes. pas de sensibilité cachée, encore moins de côté efféminé; vingt-cinq centimètres en dessous de de la ceinture, dans ta chatte et pas ailleurs. pas besoin de longues tirades romantiques pour te mettre dans mon lit. essaye pas de m'y faire rester, c'est cause perdue. je m'appelle edwin. c'est moi, la légende.

Ϟ depuis quand et comment est-ce que t'es devenu mannequin ? j'ai été découvert à, genre, dix-sept ans. c'qui veut dire que je devrais prendre ma retraite bientôt. pas que ça me saoule de défiler sur les podiums et jouer les bruns ténébreux pendant les shoots, mais passé trente ans c'est la calvitie, le ventre rebondi et les fesses qui tombent... joke. j'étais à un festival près de londres avec des potes et mon plan cul du moment, quand une petite blonde plutôt bien foutue est venue m'aborder. ça commence souvent comme ça, vous savez. au début, on a souvent l'air con, parce qu'on y croit pas. j'vous rassure, j'ai pas sauté de joie en secouant les bras. pas de danse de la pluie non plus. en fait, lors du premier rendez-vous, elle a suggéré (lourdement) l'idée que je me fasse retirer la cicatrice que j'ai en dessous de l'oeil. me faire couper un bout du visage et risquer de perdre la vue pour des putains de photos, elle est où la caméra cachée ? je l'ai envoyé se faire foutre publiquement, le bruit a couru, et j'en suis là.

Ϟ et le succès, ça commence à venir ou s'est-il déjà établi dans votre carrière ? ma tête dans les métros, mon cul sur les arrêts de bus, mes yeux sur la couverture de ton magazine et ma bite sur youporn. ma messagerie est pleine, mon agent m'harcèle, j'ai du changer de numéro et même pour acheter des capotes c'est l'émeute. les gens me reconnaissent, parfois non. j'en ai pas grand chose à foutre. le principal, c'est que mon compte se remplisse. le reste, c'est que du plus, haha.

Ϟ quelles sont les habitudes que tu as changé depuis que t'es mannequin ? ma belle, c'est fini l'époque du "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil". la meuf que tu rêves de devenir se faire vomir après les défilés, pèse chaque feuille de salade avant de les manger, sans sauce ni sel, s'il vous plaît. y' a du botox dans ses joues et ses lèvres, ses sourcils sont refaits, sa couleur pas naturelle, ses jambes bourrée d’auto bronzant, et sans ses vingt centimètres de talon et ses trois heures de maquillage, tu la regarderais même pas. le week-end elle s'envoie en l'air avec son mec avant de partir se faire sauter par son agent dans le coin VIP de la boîte la plus branchée. elle veut garder son boulot, la mignonne, ça s'appelle la promotion canapé. suce-moi la bite, et je ferai de toi une star. j'me réveille défoncé, je me couche défoncé. j'essaye d'être à peu près clair pour les shoots, sinon mon agent râle, et j'ai la flemme d'écouter ses sermons d'une heure et demi. soigner son image alors que le trash fait vendre... je sors pas de disney club, chérie.

Ϟ à quoi aurait ressemblé ta vie si t'étais pas devenu mannequin ? j'aurai rencontré Faust au coin d'une rue, on aurait été boire un verre, puis deux. un voyage en Australie, dans les clubs de strip-tease au Brésil, les love hôtels du Japon, toutes des salopes les asiatiques. j'aurai fait le tour du monde dans un jet privé payé par une pigeonne de passage, mangé dans les meilleurs restaurants, porté les plus grandes marques. j'aurai été moi. en moins bien.

❝ gangster et gentleman, c'est dans le mille que je tire : je fais mal, mais je fais jouir, si tu vois c'que j'veux dire. ❞ — booba.

Il est trois heures du matin, j'ai les yeux totalement explosés, le coeur en ébullition, le sang gelé dans mes veines. Je sens le béton sous mes pieds, la terre, le froid de l'hiver. Ma tête tourne à une vitesse incroyable, mon estomac se retourne en même temps, je suis un cadavre à l’abandon, un corps mal ficelé en train de se décomposer. J'entends les pas de Faust qui se mêlent aux miens, on brise le silence, la nuit, il n'y a que nous, dans cet endroit que je ne reconnais même pas. Il me dit quelque chose, mais tout Londres m'inspire; lorsque votre vie se résume à une simple ville, elle semble greffée à votre peau. J'essaye de me remémorer le cours de ma journée, même si mon cerveau semble sur le point d'exploser en mille morceaux, en recouvrant sur plusieurs kilomètres de long les rails sur lesquels nous nous trouvons. Je me suis levé à cinq heures, j'ai réveillé la fille à côté de laquelle je m'étais endormi, je l'ai baisé, je me suis barré, j'ai rejoint Faust, et le trou noir s'installe. J'entends ce fils de pute parler et dire des conneries; passé minuit c'est un animal sauvage, impossible à comprendre et à canaliser. « Je vais gagner. » Mes lèvres s'étirent en un rictus acide pendant que j'essaye de saisir le sens de ces trois mots. Lorsque vous avez plus de coke dans le nez que de sang dans les veines, les mots les plus stupides vous semblent sortis tout droit de chez Question pour un champion. J’acquiesce, ou plutôt je remue le menton. Si je prends la peine de faire le moindre effort musculaire, je vomirai mes tripes sur le champs. Lui, il s'en fout, il porte un costume Armani à trois mille livres, des Nike totalement déchirées, on dirait qu'il est sort d'une pub pour le McDonald mais il garde le sourire. Sa main s’abat sur mon épaule, et, comme si sa force avait été soudainement multipliée par dix, je m'écroule sur le sol. Contrairement aux six milliards de personnes sur cette Terre, Faust ne rit pas; il ne sourira que lorsqu'il me verra le faire, après m'avoir aidé à me relever. « Tu veux qu’on reporte, Ed ? » Je le regarde comme s'il venait de me poser la question la plus absurde que le monde ait connu; si on est sur ce putain de chemin de fer, c'est qu'on est un dimanche, et le dimanche soir ne s'annule pas, qu'on ait peur, qu'on ait mal, il ne se recule pas. Il se vit jusqu'au bout, jusqu'à ce que la lumière blanche arrive, jusqu'à ce qu'elle nous aveugle tellement qu'on a l'impression d'être en train de crever, il se vit, pas d'exception. On continue d'avancer, pendant cinq, dix, quinze minutes; jusqu'à ce que Faust me dise de m'arrêter, parce qu'il aura trouvé l'endroit bien choisi. D'habitude, c'est moi qui le fait; mais ce soir, mon paradis ne se trouve nulle part ailleurs que dans un lit et un toilette mal nettoyé. Il regarde sa montre avant de l'enlever de son poignet et de la jeter sur le sol, trop de risques de briser sa Rolex en sautant. Sa main plonge dans la poche de mon jean et mon Iphone connaît le même sort. « T’es prêt ? » Je tourne la tête. Il me regarde de ses grands yeux noirs, même son sourire brille dans la nuit; celui que je lui rends lui semble être une réponse satisfaisante, il commence le décompte, les lèvres mi-closes. Dix. Neuf. Un bruit sourd résonne dans la nuit. Huit. Mes jambes se mettent à trembler. Sept. Je contracte mes abdos pour éviter de vomir. Six. Je ferme les yeux. Cinq. Quatre. Je regarde vers l'avant. Trois. La lumière me brûle la rétine. Deux. Je sens le corps de Faust s'élancer sur le côté. Un. Mon estomac se retourne. Zéro. « PUTAIN, MAIS SAUTE SALE CON ! » Moins un. Je n'ai pas le temps de respirer que je sens un poids immense s’abattre contre ma poitrine. Mon dos s'écrase sur le sol, une puissante odeur de brûlé me tétanise, un bruit insupportable me crève les oreilles, et le silence qui s'ensuit me paralyse. Un goût acide remonte le long de ma gorge, s'échappe de mes lèvres; les spasmes me secouent dans tous les sens, et j'ai l'air d'un animal à l'agonie, plié en deux, à cracher tout le poison que mon corps a décidé de rejeter. La voix de Faust résonne dans ma tête, un flot d'insulte aussi violent que la gerbe qui recouvre le sol. Il me secoue par les épaules, enfonce son poing dans mon ventre; ses doigts pénètrent dans ma bouche et se hissent jusque ma gorge. Je me débats de toutes mes forces alors qu'il continue à me frapper, jusqu'à ce qu'un jet de sang sorte d'entre mes lèvres. Son corps se dégage du mien, se laisse tomber sur le côté. Dernière image.


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