SATINKA KISHI PAQUIN

ft. diana moldovan ; did you say cheeseburger ? ▬ (c) monstreux

Ϟ t'as quel âge, t'es originaire d'où ? t'es né quand ? t'as un compagnon ? dis nous tout! Je ne sais plus quel âge j'ai, ni vraiment d'où je viens. Je me souviens qu'avant j'avais une vie normale, les gens m'appelaient Satinka ou Kishi, mon grand-père surtout Kishi qui signifie "nuit" dans sa langue, et je fêtais mes anniversaire comme tout le monde, une année après l'autre, un an de plus à chaque fois, toujours dans ce sens. J'allais au lycée dans le Montana, j'avais des copines, j'avais même un copain pour la première fois. Et puis j'ai rencontré ce type, et alors Satinka est devenue Satin, plus simple à prononcer, et je me suis retrouvée à fêter mes 16 ans pendant deux ans, puis mes 17 ans, pendant encore deux ans. Aujourd'hui, je dois avoir 21 ou 22 ans, mais mon agent me jure que c'est mes 19 ans que nous allons fêter dans deux semaines. S'il le dit, c'est qu'il a probablement raison.
Ϟ depuis quand et comment est-ce que t'es devenu mannequin ? J'ai jamais voulu être mannequin. Je voulais être danseuse. J'étais assez douée, suffisamment pour que ma prof m'envoie, moi et quelques autres, participer à un gala à New-York. Petit Rat dans Gisèle, c'est pas la gloire mais quand on vient du Montana, c'est ce qui y ressemble le plus. Ma mère m'avait accompagné, et lorsqu'un type m'a abordé pour me demander mon âge et ma nationalité, c'est à elle qu'il a du se confronter. Je ne sais pas comment ça se passe ailleurs, mais chez nous, l'argent ne tombe pas des arbres, alors quand il lui a fait miroiter un gain financier supplémentaire, elle n'a pas craché sur la proposition. J'étais mineure et on m'a toujours appris le sens du devoir. J'ai raccroché les pointes, et j'ai commencé à obéir à ce type. Je pensais pouvoir tout mener de front, mais j'avais tort. Les photographes ne se déplacent pas jusque dans le Montana pour te voir, et les castings ont rarement lieu à Billings. J'ai fini par passer mon bac par correspondance, et par emménager à New-York, dans un minuscule appartement avec deux autres filles. Ca fait maintenant 3 ans.
Ϟ et le succès, ça commence à venir ou s'est-il déjà établi dans votre carrière ? Le succès, c'était pas trop ça au début. J'ai fait quelques pubs, que du commercial, j'étais très grande mais encore trop "ronde". Ma mère refusait de me laisser suivre un régime, elle disait que j'étais en pleine croissance, que j'avais besoin de m'alimenter. Et puis, au bout d'un an sans grand succès, on m'a fait bouger à New York. Là il n'y avait plus ma mère pour s'opposer au ordres de mon agent. J'ai commencé à perdre du poids, et à marcher un peu plus. J'ai fait quelques défilés, et beaucoup de photo, mais je reste un mannequin parmi tant d'autres. Il paraît qu'il me manque un truc, que je suis trop pure, pas assez "sale". Je ne trouve pas que ce soit une qualité d'être "sale", mais je ne pose pas de question. Je suis bien comme ça, je gagne pas mal ma vie, j'ai le temps pour la danse, et le reste. Mais mon agent dit que j'ai le potentiel pour exploser, et me reproche les trois dernières années durant lesquelles je ne suis pas devenue la star des podiums qu'il espérait. Alors il m'a envoyé à Londres, pour me "salir" un peu, dit-il, et pour que j'explose enfin.
Ϟ quelles sont les habitudes que tu as changé depuis que t'es mannequin ? Je n'ai pas changé grand chose. Depuis mes 17 ans je mange très peu. Ma mère parle de régime, mais mon agent dément "dis que tu as un appétit d'oiseau, ça passe mieux.". Alors j'ai un appétit d'oiseau et un très bon métabolisme qui m'empêche de prendre du poids. En tout cas, c'est ce que dit mon agent. Je mange en petite quantité, mais de tout, surtout ce qu'il ne faut pas. Je suis américaine, j'y peux rien si j'aime la junk food et le cola. J'ai commencé la cigarette en même temps que le stress. J'ai arrêté le lycée, mais pas la danse, c'est plus vraiment mon futur métier, mais ça reste ma passion. Je vois moins mes parents, mon grand-père me manque, mais ils vivent mieux, et c'est grâce à moi.
Ϟ à quoi aurait ressemblé ta vie si t'étais pas devenu mannequin ? Je voulais devenir danseuse, c'était mon but. Je savais bien que je n'aurais jamais été première ballerine à l'american ballet theatre, mais même gagner ma vie en enseignant ma passion à des enfants dans un bled perdu de l'Amérique profonde aurait été suffisant à mes yeux. Je me serais mariée jeune, j'aurais eu des enfants tôt, j'aurais cumulé deux boulots pour joindre les deux bouts, mais j'aurais été chez moi et heureuse. Je n'avais pas de très grandes espérances, mais c'était pas réalisable quand même, visiblement. J'espère toujours vivre cette vie-là, mais plus tard, lorsque plus personne ne voudra de moi dans les magazines ou sur les podiums. Je serais moins jeune, c'est tout.

❝ La jeunesse est belle. Dérision ! Elle est belle, confiante, aventureuse. Elle est riche de tous les espoirs, de toutes les ambitions. Elle est surtout naïve. ❞ — Harry Bernard.

Je n’aime pas cet endroit, je n’y ai pas mes repères, ni aucune sorte d’attache qui me semblerait suffisamment familière pour me raccrocher à ma réalité. Je suis dans une réalité altérée, comme un album de coloriage passé entre les mains d’un enfant relativement créatif ou passablement con, qui aurait peint le ciel en vert, les nuages en bleu, l’herbe en rose fluo, et l’arbre en rouge. Autant de couleurs que je retrouve sur les têtes avoisinantes, des têtes qui se sont tournées vers moi à mon arrivée, avant de se détourner aussi sec. J’avais hasardé un timide «bonjour» qui n’a trouvé aucun écho avant de me laisser tomber dans le fauteuil le plus proche. Je ne cadre pas dans le tableau, je n’ai pas les cheveux roses, ni des tatouages sur tout le bras, ni de piercing dans le nez. J’ai laissé échapper une grimace devant lobe écartelé de ma voisine de droite, je lui ai demandé si ça faisait mal, elle m’a sourit comme si j’étais un parasite encombrant. Alors j’ai sortit mon sachet de légumes crus de mon sac, juste pour calmer mon ventre en lui imposant les quelques concombres et carottes réglementaire pour la caste «mannequin». J’ai du me tromper quelque part car elles se sont toutes tournées vers moi d’un même mouvement, comme si elles communiquaient par télépathie ou qu’elles avaient développé un super odorat capable de renifler la nourriture solide à plus de 500 mètres. A ce moment, j’en ai eu la certitude, elles m’ont catalogué dans la case «extraterrestre» de leurs archives mentales. J’ai tenté de croquer dans ma carotte, mais le bruit de masticage semblait tellement assourdissant dans le silence imposé, que j’ai reposé le tout, préférant crever la dalle plutôt que de subir de nouveaux regards. Je me suis tassée dans mon siège et j’ai observé les autres pour me faire une idée. L’une d’elles était entrain d’écrire au feutre sur sa converse, une autre observait la pointes de ses cheveux platines plus qu’abimés par des décolorations excessives, une troisième rongeait ses ongles en faisant tournoyer les pages du dernier Vogue, et une dernière, d’allure normale, n’arrêtait pas de renifler en se grattant la narine. J’ai repensé à ce pourquoi j’étais là, et j’ai commencé à avoir peur. Me salir. Au début je n’avais pas compris ce qu’avait voulu dire Mike, mon agent, mais maintenant j’avais peur de comprendre. Il voulait que je me métamorphose en Barbie Trash ?

« Je vais devoir me teindre les cheveux ? » C’est la première question que je pose à l’homme en face de moi, après qu’on m’ait fait entrer dans son bureau. Il rit, avant de me désigner un siège. « Pour commencer nous allons voir si on te signe, ensuite nous discuterons de l’aspect relooking du contrat. » Il me met à l’aise, son ton se veut rassurant, son sourire bienveillant. « Quel âge as-tu, Satine ? » « 19 ans dans deux semaines. » Je mens, comme tout le monde. « Satine, c’est ton vrai prénom ? » Je hoche la tête. Mensonge, encore une fois. « Il va falloir en changer. Satine c’est bon pour une escort girl fan du film «Moulin Rouge», mais pas pour toi. » Je panique à l’idée d’avoir encore un nouveau nom à adopter comme s’il s’agissait de mon nom de baptême, et je me rappelle alors que Satine ou Satin, ce n’est pas mon prénom de naissance. « Satinka. » « Pardon ? » Il relève le nez de mon book, il était sur une photo de moi les seins nus, et je me sens rougir. « Je m’appelle Satinka Kishi, mais mon agent trouvait ça trop compliqué. » « Ton agent ? » « Mike de chez Silent. » Il hoche la tête à son tour, mais à sa manière de faire, je pressens que je viens de faire une bourde. Il s’avance sur son bureau, et joint les mains, il ressemble à un professeur. « Ecoute, le seul agent qui a de l’importance et dont l’avis compte, ici, c’est moi. Peu importe ce que Mike, Didier, Alphonse ou Mickey Mouse pense de ton prénom, ton tour de hanches ou ta sexualité, ça m’indiffère. Je suis le seul décisionnaire. Peut être que Satine c’est au top pour le marché américain, mais ici, à Londres, sans vouloir te vexer, ça fait pute bon marché. Tu comprends ? » Je crois. Sauf que Mike a été à la fois mon père, ma mère, ma nourrice et mon professeur pendant plus de quatre ans. Il a dirigé ma vie de mon alimentation jusqu’à la couleur de ma culotte. C’est dur de s’entendre dire qu’il n’est pas tout puissant et omnipotent. « Tu es américaine, c’est bien ça ? » Il n’a pas attendu ma réponse, il poursuit. « De quelle origine sont tes prénoms ? Russie ? Roumanie ? Serbie ? » « Natif américain. » Il ne comprend pas, je bégaie. Je dois avoir l’air ridicule, mais il m’impressionne, je suis mal à l’aise, j’ai peur que chacune de mes réponses soit une nouvelle connerie prouvant que je n’ai absolument rien à faire dans le monde de la mode. « Je suis amérindienne. » Je parviens enfin à aligner une phrase correcte et cohérente, mais vu l’oeil critique qui me scrute, je le sens dubitatif. « Mon grand-père et mon père sont des natifs américains, mais pas ma mère. Je suis métisse. » Ce qui est censé expliquer ma peau claire et mes yeux azurs. Maigre explication, j’en ai conscience. Il ne me quitte pas des yeux, et je sens que son cerveau hésite entre me croire ou faire semblant de me croire. Il hésite encore, puis se lance « Très bien. On va jouer là-dessus. Tu vas reprendre tes prénoms d’origines et m’arranger ce teint blafard. Le côté ethnique et métissage culturel, ça plait beaucoup au marché européen. A partir d’aujourd’hui ton père sera Cherokee, ta mère scandinave et ta nourrisse hongroise, ou française, ou on s’en fout. Tu vas manger bio et cultiver le trip new age de communion avec la nature. Faudra circuler en vélo. On va te trouver un Wardrobe Remix... » Il continue sur sa lancée, parle seul ou bien à son alter égo invisible, mais au final je ne sais toujours pas... Ça veut dire que je suis signée ?


prénom/pseudo : yankee. âge : écrire ici. pays : hexagone. présence : 5/7. comment t'as atterri sur le forum ? bazzart. qu'en penses-tu ? que c'est bien sympa.