kirsimalgosiastrokous

ft. CINTIA DICKER ; Carrots &
cucumber ▬ (c) tumblr

Ϟ t'as quel âge, t'es originaire d'où ? t'es né quand ? t'as un compagnon ? dis nous tout! Je suis originaire de Durham Coalfield au Nord-Est de l'Angleterre, un petit village ouvrier, j'ai dix-sept ans. Je suis née le 15 février 1994. Ma vie sentimentale se résume au petit William Graham, nous avions cinq ans, depuis c'est le néant, et encore, le néant est un euphémisme. Je viens d'un milieu social plutôt correct, disons classe moyenne, grâce à mon père qui s'est engagé très vite dans l'US air force, ma mère quant à elle est femme au foyer.
Ϟ depuis quand et comment est-ce que t'es devenu mannequin ? Voilà un an que j'ai été découverte. Depuis l'âge de six ans, je passe mes étés en compagnie de tante Prissy, une horrible bonne femme de soixante ans, qui n'a jamais eu d'enfant. Cette année elle avait décidé que nous irions à Londres, il était temps que je découvre la ville, la vraie ville. Je n'étais pas plus emballée que ça, ce n'était pas tant d'aller à Londres qui me dérangeait, c'était d'y aller avec tante Prissy. J'avais fêté mes seize ans, et je me retrouvais avec cette vieille fille alors que j'avais soif d'indépendance, de liberté et que je brûlais de curiosité. Saint-Pancras Station, assise sur ma valise, j'attendais que la grosse Tati ait fini de courir à droite et à gauche, à la recherche de présents pour toute la famille. Notre train n'était que dans deux heures, mais Prissy avait une peur bleue des trains et j'avais dû attendre. Je regardais passer les londoniens, tous me paraissaient plus beaux les uns que les autres, ils avaient quelques choses de majestueux et de théâtrales. Je me jurais qu'un jour, je viendrais vivre à Londres et je vivrais la grande vie. C'est alors qu'on m'aborda, une femme aux allures impériales, les lèvres pincées et le regard noir, elle me toisait, hochait de temps à autre la tête, par moments je distinguais un petit rictus de satisfaction sur ses lèvres. Puis elle me tendit sa carte. Elle hocha la tête satisfaite de notre entrevue, durant laquelle je n'avais pas pu ouvrir la bouche une seule seconde. Puis elle repartit aussi sure d'elle qu'elle était arrivée. Je sus alors que c'était ma chance. J'allais vivre à Londres, enfin.
Ϟ et le succès, ça commence à venir ou s'est-il déjà établi dans votre carrière ? D'après ce que je sais, je suis un mannequin plutôt demandé. Cela fait qu'un an et pourtant, j'ai déjà fait presque le tour du monde. Ce ne sont pas d'énormes contrats, mais mon physique plutôt atypique attire. Mon air malicieux rend les photographes fous. Je suis déterminée à réussir, je sais qu'un jour, on verra mon visage sur toutes les affiches publicitaires de la ville.
Ϟ quelles sont les habitudes que tu as changé depuis que t'es mannequin ? Ma vie entière à changer. Je n'étais jamais sortie, je n'avais jamais pris l'avion, je n'avais jamais fumé. Maintenant, je me sens femme, je porte des talons, je fume des cigarettes, je suis au régime constamment. Je fais du sport sans cesse. Je me maquille. Je me coiffe. Je vis.
Ϟ à quoi aurait ressemblé ta vie si t'étais pas devenu mannequin ? A Durham Coalfield, il n'y a pas beaucoup de place pour les femmes. Avec un peu de chance je serais devenue institutrice. Sinon, j'aurais repris la petite épicerie des voisins, qui n'ont pas eu d'enfants. J'aurais épousé un ouvrier, peut-être un militaire que je n'aurais jamais vu. J'aurais eu quatre enfants. On peut dire que le mannequinat m'a ouvert des portes, je suis devenue la femme indépendante que j'ai toujours rêvée d'être, je suis sortie de cette ville paumée où en temps normal on ne sort jamais.

❝ La plupart des jours de l’année sont anodins : ils commencent et ils s’achèvent, sans laisser la trace d’un souvenir durable. La plupart des jours n’ont pas d’impact sur le cours d’une vie. ❞ — 500 jours ensembles.

Elizabeth Strokous n'avait jamais voulu d'enfant. Elle n'avait pas la fibre maternelle, elle n'avait pas d'amour pour sa fille, elle n'avait pas l'envie d’élever sa progéniture. Pourtant la petite Kirsi était bel et bien sur cette terre, et causait toutes les peines du monde à la jolie Lizzy. Lizzy avait toujours été belle, mais Kirsi l'était encore plus, Lizzy avait toujours attiré les regards, mais Kirsi les attirait plus, Lizzy avait toujours été aimé de Will, mais Kirsi l'était encore plus. En fait Lizzy haïssait sa fille de tout son être. Elle crevait de jalousie. Spécialement aujourd'hui. Will avait eu sa permission, quarante-huit heures chez lui, c'était peu en comparaison des huit mois qu'elles avaient passé sans le voir. Will était pilote dans l'us air force, c'était la seule chose qui les faisait vivre et c'était le rêve de Will. Lizzy entra dans une rage folle lorsqu'elle se rendit compte que ces quarante-huit heures, Will les passerait avec sa fille pour qui il vouait un culte sans bornes au lieu de les passer dans les bras de sa femme qui le chérissait. Le rire de sa fille était devenu comme une torture et les exclamations de joie de son époux une vraie déclaration de guerre. Kirsi n'avait que quatre ans et déjà elle occupait toute l'attention de son père qui l'aimait plus que de raison, elle était tout ce qu'il avait toujours voulu et plus que ça, elle était son portrait craché. En plus de cela, elle était la joie de vivre incarnée, elle était belle et riait aux éclats, elle était maligne et majestueuse, naïve et insouciante, elle aimait la vie et la croquait à pleines dents. Elle était fière et obstinée, persévérante et douce. Ce jour-là, Lizzy prit la plus importante décision de sa vie, elle ferait de la vie de sa fille en enfer.

❝ You know how the time flies, Only yesterday was the time of our lives, We were born and raised in a summer haze, Bound by the surprise of our glory days. ❞ — Adele.

Elizabeth était devenue un monstre. Rien de ce que faisait sa fille n'était assez bien à ses yeux, ses notes n'étaient pas assez bonnes, ses amies n'étaient pas assez bien, ses cheveux n'étaient pas assez beaux, elle n'était pas assez polie, pas assez aimable, pas assez droite, gentille, souriante, serviable, à l'écoute, affective, attentionnée, dévouée. La liste était interminable. Pourtant, Kirsi redoublait d'efforts, elle voulait que sa mère l'aime, elle voulait qu'elle soit fière d'elle, elle faisait tout pour que celle-ci la remarque. Jusqu'au jour où elle compris que cela ne servait à rien, parce que sa mère n'était qu'une femme aigrie, jalouse et sans coeur. Ce jour-là fut le pire de sa vie. Celui qui changea tout à jamais. Kirsi et Lizzy se faisaient faces comme chaque soir au dîner. Kirsi ne disait rien car elle n'en avait pas le droit. Elle écoutait sa mère lui énumérait toutes les banalités possibles, les potins du village. C'est entre la plante de la mère Owen, et le chien des Warren que Lizzy lui annonça la mort de Will. « Ah oui, et ton père est mort. » La nouvelle fut pour Kirsi comme une bombe, elle sentit sa gorge se serrer, les larmes au bord des yeux, elle ne pleurait pas devant la garce qui lui servait de mère. Elle sentit une vague de colère l’envahir, elle voulu écraser son poing sur le visage lisse d'Elizabeth, elle voulu lui coller le nez dans sa soupe, la frapper jusqu'au sang, l'entendre hurler d’arrêter. Mais elle n'en fit rien. Elle alla s'enfermer dans sa chambre sans mot dire. Elle laissa rouler les larmes sur ses joues pendant des jours. Quelque chose s'était brisé en elle, Kirsi pouvait le sentir. Pourtant, trois jours plus tard, elle fixa un sourire sur son visage qui ne disparaîtrait jamais, un sourire faux, mais plus rien n'avait d'importance. Elle s'était jurée qu'elle quitterait ce village, cette mère atroce qu'elle laisserait mourir seule.

❝ Madame rêve d'apesanteur, des heures des heures de voltige à plusieurs. Rêve de fougères, de foudres et de guerres, à faire et à refaire. D'un amour qui la flingue, d'une fusée qui l'épingle. Au ciel, Madame rêve. ❞ — Alain Bashung.

Après cette rencontre fortuite à Londres, Kirsi demanda à tante Prissy de l'emmener dans cette agence. C'était la seule opportunité qu'elle aurait pour quitter cette vie si peu attrayante, maintenant qu'elle n'avait plus son père pour l'aider à la supporter. On la trimbala de pièce en pièce, on prit des pillions de photos d'elle, on lui releva les cheveux, on lui demanda de ne pas sourire, de sourire, de bouger, de ne rien faire et finalement on lui dit qu'elle était prise. Kirsi ne fut pas si heureuse que ça, mais elle feignit de l'être, depuis le temps elle avait appris à faire semblant. Elle envoya Prissy chercher ses affaires chez elle et elle ne remit plus jamais les pieds à Durham Coalfield.

Londres lui redonna quelques espoirs, elle se remit à rêver dans la limite du possible. Sans vraiment s'en rendre compte, elle arrêta de se nourrir, elle fit du sport à outrance, elle oubliait tout ce qui l'avait toujours dérangé, c'était une nouvelle Kirsi. Elle découvrait l'indépendance, elle découvrait l'autonomie, mais elle était seule. Son seul contact avec la civilisation c'était Riven. Ce voisin à qui elle avait confié ses clés, de peur de rester coincée un jour l'extérieur. Elle était loin de se douter qu'un jour il lui sauverait la vie.

Kirsi ne se souciait pas vraiment de sa santé, en fait, elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, mais elle seule le savait. Elle faisait semblant, un jeu, une comédie, enfin, une tragédie plutôt. Ce jour-là, elle n'avait pas senti ses forces l'abandonnées, elle avait juste sombré, ses jambes ne la portaient plus. Étendue sur le sol, elle attendait, inconsciente, elle gisait sur le carrelage de sa cuisine, attendant la mort. Mais la mort n'avait pas voulu d'elle et Riven l'avait retrouvé. Elle s'était retrouvé à l’hôpital, cet homme à son chevet. Les blouses blanches lui avaient tout raconté, son régime, le sport, son poids, la pression, il savait tout. Désormais elle ne serait plus jamais seule, puisque Riven était là. Riven l'avait sauvé, il était comme son frère, comme son père, il veillait sur elle, il était là quoi qu'il advienne, quoi qu'elle dise et quoi qu'elle face. C'est la première fois que quelqu'un agit de la sorte avec Kirsi, à part sa mère, son père et tante Prissy, personne n'a jamais veillé sur elle, comme lui le fait. Parfois elle se demande si elle l'aime, si elle l'aime d'amour. La vérité c'est qu'elle a besoin de lui plus que quiconque, elle en a besoin pour vivre, et elle aimerait plus que tout qu'il soit là pour toujours.

prénom/pseudo : simone. âge : 18 ans. pays : france. présence : le week end et quelques fois en semaine. comment t'as atterri sur le forum ? bazzart. qu'en penses-tu ? il est à tomber.